Le deuxième avertissement des scientifiques à l’humanité

En 1992, l’Union des “Concerned Scientists” et plus de 1700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats vivants du prix Nobel en sciences, ont rédigé « World Scientists’ Warning to Humanity ». Ces professionnels inquiets ont appelé l’humanité à réduire la destruction de l’environnement et ont averti qu’“un grand changement dans notre gestion de la Terre et de la vie sur celle-ci est nécessaire, si l’on veut éviter une grande misère humaine”. Dans leur manifeste, ils ont montré que les humains étaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel. Ils se sont déclarés préoccupés par les dommages actuels, imminents ou potentiels sur la planète Terre impliquant l’appauvrissement de la couche d’ozone, la disponibilité d’eau douce, l’appauvrissement de la vie marine, les zones mortes des océans, la perte de forêts, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance continue de la population humaine. Ils ont proclamé que des changements fondamentaux étaient nécessaires de toute urgence pour éviter les conséquences que notre cours actuel entraînerait.

Les auteurs de la déclaration de 1992 craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes terrestres au-delà de leurs capacités à soutenir le réseau de la vie. Ils ont décrit comment nous approchons rapidement de nombreuses limites de ce que la biosphère peut tolérer sans dommages substantiels et irréversibles. Les scientifiques ont plaidé pour que nous stabilisions la population humaine, décrivant comment notre grand nombre – augmenté de 2 milliards de personnes supplémentaires depuis 1992, une augmentation de 35% – exerce des pressions sur la Terre qui peuvent submerger d’autres efforts pour réaliser un avenir durable. Ils ont imploré que nous réduisions les émissions de gaz à effet de serre et que nous éliminions progressivement les combustibles fossiles, réduisions la déforestation et renversions la tendance à l’effondrement de la biodiversité.

En 2017 nous sommes revenus sur cet avertissement. Depuis 1992, à l’exception de la stabilisation de la couche d’ozone stratosphérique, l’humanité n’a pas fait de progrès suffisants. Particulièrement troublante est la trajectoire actuelle du changement climatique potentiellement catastrophique en raison de l’augmentation des GES provenant de la combustion de combustibles fossiles, de la déforestation et de la production agricole, en particulier de l’élevage de ruminants pour la consommation de viande. De plus, nous avons déclenché un événement d’extinction de masse, le sixième en environ 540 millions d’années, au cours duquel de nombreuses formes de vie actuelles pourraient être anéanties ou du moins condamnées à disparaître d’ici la fin de ce siècle.

L’humanité se voit désormais remettre ici une seconde alerte. Nous compromettons notre avenir en ne maîtrisant pas notre consommation matérielle intense mais géographiquement et démographiquement inégale et en ne percevant pas la croissance rapide et continue de la population comme le principal moteur de nombreuses menaces écologiques et même sociétales. En omettant de limiter adéquatement la croissance démographique, de réévaluer le rôle d’une économie ancrée dans la croissance, de réduire les gaz à effet de serre, d’encourager les énergies renouvelables, de protéger l’habitat, de restaurer les écosystèmes, de freiner la pollution, d’arrêter la défaunation et de restreindre les espèces exotiques envahissantes, l’humanité ne prend pas l’urgence mesures nécessaires pour sauvegarder notre biosphère en péril.

Alors que la plupart des dirigeants politiques réagissent aux pressions, les scientifiques, les influenceurs et les citoyens doivent insister pour que leurs gouvernements prennent des mesures immédiates en tant qu’impératif moral pour les générations actuelles et futures. […] Des exemples de mesures diverses et efficaces que l’humanité peut prendre pour passer à la durabilité: (a) donner la priorité à la mise en place de réserves connectées, bien financées et bien gérées pour une proportion , les habitats marins, d’eau douce et aériens ; (b) le maintien des services écosystémiques de la nature en arrêtant la conversion des forêts, des prairies et d’autres habitats indigènes ; (c) restaurer les communautés végétales indigènes à grande échelle, en particulier les paysages forestiers ; (d) réensauvagement des régions avec des espèces indigènes, en particulier des prédateurs de pointe, restaurer les processus et dynamiques écologiques ; (e) élaborer et adopter des instruments politiques adéquats pour remédier à la défaunation, à la crise du braconnage et à l’exploitation et au commerce des espèces menacées ; (f) réduire le gaspillage alimentaire grâce à l’éducation et à de meilleures infrastructures ; (g) promouvoir des changements alimentaires vers des aliments principalement à base de plantes; (h) réduire encore les taux de fécondité en veillant à ce que les femmes et les hommes aient accès à l’éducation et aux services de planification familiale volontaire, en particulier là où ces ressources font encore défaut ; (i) accroître l’éducation à la nature en plein air pour les enfants, ainsi que l’engagement global de la société dans l’appréciation de la nature ; (j) la cession d’investissements et d’achats monétaires pour encourager un changement environnemental positif ; (k) concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et adopter massivement les sources d’énergie renouvelables tout en supprimant progressivement les subventions à la production d’énergie à partir de combustibles fossiles; (l) réviser notre économie pour réduire les inégalités de richesse et faire en sorte que les prix, la fiscalité et les systèmes d’incitation tiennent compte des coûts réels que les modes de consommation imposent à notre environnement ; et (m) estimer une taille de population humaine scientifiquement défendable et durable à long terme tout en rassemblant les nations et les dirigeants pour soutenir cet objectif vital.

Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de la biodiversité, l’humanité doit pratiquer une alternative plus écologiquement durable au statu quo. Cette prescription a été bien formulée par les plus grands scientifiques du monde en 1992, mais à bien des égards, nous n’avons pas tenu compte de leur avertissement. Bientôt, il sera trop tard pour s’éloigner de notre trajectoire défaillante, et le temps presse. Nous devons reconnaître, dans notre vie de tous les jours et dans nos institutions gouvernantes, que la Terre avec toute sa vie est notre seule maison. En travaillant ensemble tout en respectant la diversité des personnes et des opinions et le besoin de justice sociale dans le monde, nous pouvons faire de grands progrès pour le bien de l’humanité et de la planète dont nous dépendons.

William J. Ripple, auteur de ce texte soutenu par plus de 15.000 signataires de tous les coins de la Terre

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